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Cinecdotes
12 octobre 2008

Un visiteur très discret

Interview Richard Jenkins, The Visitor

 

A 60 ans passés, c’est la toute première fois qu’il se retrouve en tête d’affiche dans The Visitor, Grand Prix au festival de Deauville. Mais Richard Jenkins, que l’on connaît essentiellement grâce à son rôle du défunt patriarche dans Six Pieds sous Terre est un homme aussi discret que talentueux, « le genre de type que l’on ne remarque pas lorsqu’il rentre dans une pièce » confie-t-il. Remarquable en prof d’université déprimé qui revient à la vie grâce à un couple de jeunes clandestins, il ne restera plus anonyme très longtemps.

 

 Richard Jenkins dans The Visitor

 

 

Après  34 ans de carrière, c’est la première fois que vous tenez un premier rôle...

Oui, c’est incroyable ! Je n’aurais jamais cru que cela m’arriverait. Ça ne me dérangeait pas de jouer les seconds rôles, bien au contraire, j’avais une vie tranquille. Je répète sans cesse que ce rôle est un véritable cadeau. J’étais à la fois excité et mort de peur !

 

Avez-vous participé à l’élaboration de votre personnage ?

Nous avons répété pendant environ deux semaines et Tom (McCarthy, le réalisateur) a fait quelques modifications autour de mon personnage à partir de ses observations. Je ne peux vraiment pas m’en attribuer le mérite.

 

Cependant, il faut dire que vous êtes de tous les plans !

Oui, il n’y a qu’une seule séquence dans laquelle je n’apparais pas ! La première semaine fut épuisante ! Je n’avais pas une seconde pour me reposer. Mais cette expérience était tellement inattendue et excitante. Même si le film ne fait pas des millions d’entrées, je suis vraiment fier d’en avoir fait partie.

 

Comment avez-vous abordé l’évolution de votre personnage ?  

Je me suis beaucoup reposé sur le scénario. J’avais décidé que mon personnage devait garder une certaine constance. C’est le genre de type que personne ne remarque lorsqu’il rentre dans une pièce. J’ai eu peur que cela provoque le désintérêt du public mais le scénario est si bien écrit que l’on éprouve immédiatement de l’empathie pour cet homme.

 

C’est d’autant plus délicat que votre personnage est souvent silencieux. Comment avez-vous abordé cet aspect, vous qui êtes plutôt habitué au théâtre ? 

En apparence, le cinéma et le théâtre sont très différents mais la caméra parvient à saisir tellement de choses qu’il suffit de s’y fier pour laisser transparaître ses émotions. La caméra sait à quoi vous pensez, ce que vous ressentez. J’ai mis du temps à réaliser ça, mais je suis un peu lent ! (rires) Je ne sais pas si j’aurais pu faire ça il y a dix ans.

 

C’est donc une bonne chose que ce rôle arrive aujourd’hui ? 

Tout à fait. On apprécie plus ces choses-là avec le recul. Si cela m’était arrivé à 25 ans, j’aurais certainement pris la grosse tête. A mon âge, je suis conscient de la chance que j’ai.

 

Avez-vous, comme votre personnage, changé votre conception des personnes immigrées ?

J’étais déjà en accord avec le point de vue exprimé dans le film, mais j’ai découvert pas mal de choses que j’ignorais totalement comme ces centres de détention. D’ailleurs, je pense que la plupart des gens ignore leur existence car on les cache. Tom a souhaité que l’on s’y rende pour rencontrer des détenus. C’était vraiment triste car ces personnes sont parquées là-bas sans connaître leur sort. C’est un sujet très complexe, mais la manière dont ils sont traités est vraiment indigne !

 

Ce que le film montre très bien, ce sont les êtres humains dissimulés derrière les statistiques

Exactement, ce sont des gens comme les autres, qui rient, qui aiment, qui souhaitent simplement travailler et vivre paisiblement. Je pense que chacun devrait s’imaginer à leur place pour comprendre.

 

D’autant plus que, comme le dit le personnage de Tarek, ils n’ont rien fait de mal et sont traités comme des criminels.

Oui, une des mes répliques favorites, c’est lorsque Tarek dit : « Tout ce que je veux, c’est jouer de la musique et vivre ma vie, où est le mal là-dedans ? »

 

En parlant de musique, vous avez souhaité de pas apprendre le djembé avant le tournage afin de découvrir cet instrument en même temps que votre personnage.

Effectivement. J’ai fait un peu de batterie quand j’étais jeune ; je n’étais pas très doué, mais ça m’a un peu aidé. J’étais un peu nerveux pour la scène finale lorsque je vais jouer en solo sur un quai de métro. La caméra était cachée de l’autre côté de la voie et les figurants, qui étaient en réalité des passants ordinaires, me regardaient bizarrement. Je n’aurais jamais imaginé faire une chose pareille un jour !

 

De votre point de vue, qui est le véritable « visiteur » dans le film ?

C’est difficile à dire. On en a discuté sur le plateau un jour, et tout le monde pensait être le « visiteur » du film. En fait, ça dépend des circonstances. Quand le personnage de Hiam Abbas arrive à l’improviste, elle se sent comme une étrangère, mais Walter, mon personnage, vit dans un monde si différent qu’il se sent étranger au monde des deux jeunes clandestins, leur culture, leur musique…etc. Ironiquement, quand je vais dans le centre de détention, je porte un badge sur lequel est inscrit le mot « visiteur ».

 

Depuis The Visitor, vous avez déjà enchaîné quelques films dont Burn after Reading des frères Coen avec lesquels vous aviez déjà tourné à deux reprises. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

C’est un film drôle, étrange, sombre... typique des frères Coen. Les gens sont souvent stupides dans leurs films, et c’est ça qui est formidable ! J’ai travaillé avec eux trois fois et ce sont vraiment des gars géniaux : drôles, relax, tranquilles. Ils font des films absolument incroyables. Quand je fais un film avec eux, je ne sais jamais à quoi il va ressembler !

 

Propos recueillis par Marion Batellier, octobre 2008, www.commeaucinema.com

 

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